lundi 28 mai 2012

La peste de Camus

On peut dire pour finir que les séparés n’avaient plus ce curieux privilège qui les préservait au début. Ils avaient perdu l’égoïsme de l’amour, et le bénéfice qu’ils en tiraient. Du moins, maintenant, la situation était claire, le fléau concernait tout le monde. Nous tous, au milieu des détonations qui claquaient aux portes de la ville, des coups de tampon qui scandaient notre vie ou nos décès, au milieu des incendies et des fiches, de la terreur et des formalités, promis à une mort ignominieuse, mais enregistrée, parmi les fumées épouvantables et les timbres tranquilles des ambulances, nous nous nourrissons du même pain d’exil, attendant sans le savoir la même réunion et la même paix bouleversantes. Notre amour sans doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable, lourd à porter, inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation. Il n’était plus qu’une patience sans avenir et une attente butée. Et de ce point de vue, l’attitude de certains de nos concitoyens faisait penser à ces longues queues aux quatre coins de la ville, devant les boutiques d’alimentation. C’était la même résignation et la même longanimité, à la fois illimitée et sans illusions. Il faudrait seulement élever ce sentiment à une échelle mille fois plus grande en ce qui concerne la séparation car il s’agissait alors d’une autre faim et qui pouvait tout dévorer.

dimanche 13 mai 2012

Crime et châtiment de Dostoïevski

Je prétends tenter une pareille affaire et en même temps j’ai peur de ces bêtises ! pensa-t-il avec un étrange sourire. Hum…oui… tout est entre les mains de l’homme, et il laisse tout lui passer sous le nez, uniquement par lâcheté… C’est un axiome… C’est curieux… de quoi les hommes ont-ils le plus peur ? De tenter une démarche nouvelle, de prononcer une parole personnelle et inédite, voilà ce qu’ils redoutent le plus… D’ailleurs, je bavarde trop. C’est pour cela que je ne fais rien. Mais on peut peut-être aussi renverser la proposition : je bavarde parce que je ne fais rien. C’est au cours de ce dernier mois que j’ai appris à bavarder à force de rester des journées entières étendu dans mon coin à penser… à tout et à rien. Voyons, pourquoi vais-je maintenant là-bas ? Suis-je capable de cela ? Est-ce sérieux ? Ce n’est pas sérieux du tout. Je ne fais que m’amuser en imagination ; ce sont des jouets ! Oui, il se peut bien que ce soient des jouets !

dimanche 6 mai 2012

Mc 15, 33-37

A la sixième heure, l'obscurité se fit sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure. Et, à la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri : "Eloï, Eloï, Lamma sabacthani?" Ce qui veut dire : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Certains de ceux qui étaient là dirent, en l'entendant : "Tiens, il appelle Elie." Quelqu'un courut imbiber une éponge de vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, lui donna à boire en disant : "Attendez, voyons si Elie va venir pour le descendre à terre !" 
Mais Jésus, ayant jeté un grand cri, expira.

samedi 5 mai 2012

"Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous." Épître de Paul aux romains

vendredi 4 mai 2012

Sans titre, Marina Tsvétaïéva

Je vais te raconter - la plus grande duperie :
Je vais te raconter le brouillard qui saisit
Les jeunes arbres, les vieilles souches.
Je vais te raconter la clarté qui se couche
Dans les basses maisons, et aussi le tzigane
- Né d'Egyptes lointaines - qui sur sa flûte s'acharne.

Je vais te raconter - le plus grand des mensonges : 
Je vais te raconter le couteau que l'on plonge,
Serré dans le poing, - le vent des temps qui s'empare
Des boucles des jeunes - et de la barbe des vieillards.

Vacarme des siècles.
Sabots claquant sec.