On peut dire pour finir que les
séparés n’avaient plus ce curieux privilège qui les préservait au début. Ils
avaient perdu l’égoïsme de l’amour, et le bénéfice qu’ils en tiraient. Du
moins, maintenant, la situation était claire, le fléau concernait tout le
monde. Nous tous, au milieu des détonations qui claquaient aux portes de la
ville, des coups de tampon qui scandaient notre vie ou nos décès, au milieu des
incendies et des fiches, de la terreur et des formalités, promis à une mort
ignominieuse, mais enregistrée, parmi les fumées épouvantables et les timbres
tranquilles des ambulances, nous nous nourrissons du même pain d’exil,
attendant sans le savoir la même réunion et la même paix bouleversantes. Notre
amour sans doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable,
lourd à porter, inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation. Il n’était
plus qu’une patience sans avenir et une attente butée. Et de ce point de vue, l’attitude
de certains de nos concitoyens faisait penser à ces longues queues aux quatre
coins de la ville, devant les boutiques d’alimentation. C’était la même
résignation et la même longanimité, à la fois illimitée et sans illusions. Il
faudrait seulement élever ce sentiment à une échelle mille fois plus grande en
ce qui concerne la séparation car il s’agissait alors d’une autre faim et qui
pouvait tout dévorer.
lundi 28 mai 2012
lundi 14 mai 2012
dimanche 13 mai 2012
Crime et châtiment de Dostoïevski
Je prétends tenter une pareille affaire et en même temps j’ai
peur de ces bêtises ! pensa-t-il avec un étrange sourire. Hum…oui… tout
est entre les mains de l’homme, et il laisse tout lui passer sous le nez,
uniquement par lâcheté… C’est un axiome… C’est curieux… de quoi les hommes
ont-ils le plus peur ? De tenter une démarche nouvelle, de prononcer une
parole personnelle et inédite, voilà ce qu’ils redoutent le plus… D’ailleurs,
je bavarde trop. C’est pour cela que je ne fais rien. Mais on peut peut-être
aussi renverser la proposition : je bavarde parce que je ne fais rien. C’est
au cours de ce dernier mois que j’ai appris à bavarder à force de rester des
journées entières étendu dans mon coin à penser… à tout et à rien. Voyons,
pourquoi vais-je maintenant là-bas ? Suis-je capable de cela ? Est-ce
sérieux ? Ce n’est pas sérieux du tout. Je ne fais que m’amuser en
imagination ; ce sont des jouets ! Oui, il se peut bien que ce soient
des jouets !
jeudi 10 mai 2012
dimanche 6 mai 2012
Mc 15, 33-37
A la sixième heure, l'obscurité se fit sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure. Et, à la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri : "Eloï, Eloï, Lamma sabacthani?" Ce qui veut dire : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Certains de ceux qui étaient là dirent, en l'entendant : "Tiens, il appelle Elie." Quelqu'un courut imbiber une éponge de vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, lui donna à boire en disant : "Attendez, voyons si Elie va venir pour le descendre à terre !"
Mais Jésus, ayant jeté un grand cri, expira.
vendredi 4 mai 2012
Sans titre, Marina Tsvétaïéva
Je vais te raconter - la plus grande duperie :
Je vais te raconter le brouillard qui saisit
Les jeunes arbres, les vieilles souches.
Je vais te raconter la clarté qui se couche
Dans les basses maisons, et aussi le tzigane
- Né d'Egyptes lointaines - qui sur sa flûte s'acharne.
Je vais te raconter - le plus grand des mensonges :
Je vais te raconter le couteau que l'on plonge,
Serré dans le poing, - le vent des temps qui s'empare
Des boucles des jeunes - et de la barbe des vieillards.
Vacarme des siècles.
Sabots claquant sec.
mardi 1 mai 2012
Inscription à :
Articles (Atom)